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“Le futur des femmes dans le monde technologique est lié à un changement de culture”

Christelle Chalono, Directrice générale du centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM – Intelligence artificielle – Entrepreneuriat technologique. 

Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer ou les facilités que cela a pu te procurer d’être une femme dans la tech?

À titre de directrice du Centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM, j’évolue dans le milieu universitaire et technologique. Je suis donc non seulement sensible, mais également exposée à la réalité quotidienne des femmes dans ces domaines. Aujourd’hui, les femmes occupent seulement 23 % de tous les emplois dans le secteur des sciences naturelles, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) au Canada. Bien qu’elles soient plus présentes qu’il y a dix ans, elles demeurent fortement minoritaires dans ces secteurs. Pourtant, plusieurs études révèlent que les entreprises les plus diversifiées sont aussi les plus innovantes et les plus performantes, ou encore que le QI d’un groupe est corrélé à sa proportion de femmes.

Avoir une politique de diversité, d’égalité ou d’inclusion sur papier, c’est bien. Mais encore faut-il qu’elle soit adoptée par les têtes dirigeantes, qui sont bien souvent majoritairement masculines. Convaincre les hommes d’adhérer au bien-fondé de l’inclusion est mon plus grand défi. Ceci implique d’envisager un changement et d’œuvrer ensuite pour l’introduire, pas à pas. Dans mon cas, le premier pas a été d’inclure récemment une première femme sur notre conseil d’administration.

Comment vois-tu le futur des femmes dans le monde technologique?

Selon moi, le futur des femmes dans le monde technologique est lié à un changement de culture qui soutient non seulement les femmes, mais aussi la diversité au sens plus large. L’inclusion de la diversité n’est pas une contrainte, mais bien une occasion de faire différemment et d’aller beaucoup plus loin. Ce changement de culture devra inclure une nouvelle norme où disparaissent les barrières auxquelles peuvent faire face les femmes, mais aussi les personnes en situation de handicap, les Autochtones et les personnes appartenant à des minorités visibles. Heureusement, nous avançons déjà dans la bonne direction, car nous entendons de plus en plus parler des fameux préjugés inconscients. Mais il est important d’accélérer la cadence pour que ces changements profonds arrivent plus vite.

Le secteur réussira-t-il à redorer son image et à devenir plus attractif pour les femmes?

Je pense que oui, même s’il reste beaucoup de travail à faire. Selon moi, une des façons de rendre les secteurs de la recherche, de la technologie et de l’ingénierie plus attractifs est de miser sur des mesures de conciliation travail-famille. Car de nos jours, les femmes sont encore nombreuses à assumer la majorité des responsabilités familiales, ce qui peut affecter leur progression de carrière.

Actuellement, la productivité est souvent basée sur des critères individuels. Par exemple, dans le milieu de la recherche − milieu qui vient souvent en amont de la technologie et qui permet de faire bouger les choses – la productivité se traduit notamment par le nombre d’articles publiés dans les revues scientifiques. Il va donc de soi qu’une mère devant jongler avec les responsabilités familiales peut accuser un certain retard de rendement face à ses collègues masculins. De plus, une étude a récemment montré que les femmes scientifiques réussissent moins bien que leurs collègues masculins à obtenir des subventions de recherche de la part de l’agence de financement fédérale au Canada. Ces éléments devront évoluer pour que plus de femmes soient tentées de se diriger vers les sciences et les technologies.

Références :
1. Les femmes scientifiques obtiennent moins de subventions, selon une étude
2. Femmes en recherche au Québec : où en sommes-nous?
3. Émile Servan-Schreiber : “Le QI d’un groupe est corrélé à sa proportion de femmes”

Christelle Chalono, Directrice générale du centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM – Intelligence artificielle – Entrepreneuriat technologique. 

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