La production industrielle est historiquement un domaine très masculin. Mais aujourd’hui, alors que le secteur manufacturier fait face à une pénurie de main d’oeuvre sans précédent, comment pourrait-il se passer de près de la moitié de la population ?
Dans ce premier article de notre dossier consacré à la place des femmes dans l’industrie, nous avons voulu comprendre pourquoi les femmes sont si peu représentées dans ce secteur
Historiquement…
Historiquement, il n’était pas d’usage que les femmes travaillent. La religion et les coutumes ne les encourageaient pas à poursuivre une vie professionnelle et selon les règles de la société patriarcale, elles étaient plutôt vouées aux tâches ménagères et à la maternité. Mais par la suite, les deux guerres mondiales ont créé des opportunités pour le travail des femmes. Le départ des hommes au front a créé des besoins en main d’oeuvre qui ont donc permis aux femmes d’accéder au monde du travail et de valoriser leurs tâches. Les femmes prennent rapidement la place des hommes dans les emplois les plus urgents à combler. Ainsi, en 1917, plus de 35 000 femmes travaillaient dans les usines de munitions du Canada central.
Mais l’accès au monde du travail a été difficile pour les femmes… On ne refera pas un cours d’histoire sur l’égalité hommes-femmes, mais ce que nous pouvons retenir pour expliquer la position minoritaire des femmes dans l’industrie manufacturière est qu’avant que les progrès technologiques ne viennent améliorer les conditions de travail, les tâches à l’usine étaient souvent pénibles et difficiles. Il fallait être capable de porter des charges lourdes pendant plusieurs heures et de réaliser des mouvements difficiles pour le corps. Les activités manufacturières étaient donc réservées quasi exclusivement aux hommes. Les rares tâches auxquelles les femmes pouvaient accéder étaient les plus répétitives et les plus simples ou celles nécessitant plus de précision (confection textile, tri de petites pièces…). Lorsque les avancées technologiques l’ont permis, ce sont donc d’abord ces petites tâches qui ont été automatisées, conduisant les femmes vers d’autres secteurs d’activité. Ainsi, avec le développement du secteur tertiaire et des entreprises de services, les femmes ont été encouragées à se diriger vers ces activités de service (commerce, éducation, santé…).
C’est comme ça que les femmes se sont petit à petit vues évincées du secteur industriel
Qu’en est-il de la situation, aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 28% des emplois du secteur industriel – et ce chiffre n’a pas évolué depuis 30 ans
Le recrutement des femmes est pourtant crucial aujourd’hui pour permettre aux entreprises du secteur manufacturier de pouvoir gérer la pénurie de main d’oeuvre, d’évoluer et de continuer à prospérer. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 28% des emplois du secteur industriel – et ce chiffre n’a pas évolué depuis 30 ans – alors que le taux de femmes dans tous les secteurs a augmenté, passant de 43% à 48%. Comment expliquer cette différence ?
Malgré l’évolution des conditions de travail dans le secteur manufacturier, celui-ci souffre toujours d’une mauvaise réputation. Le travail en usine est encore assimilé à des tâches monotones, répétitives et réalisées dans un environnement dangereux et masculin. Ces à priori n’incitent pas les femmes à s’intéresser à ce secteur. Pour les raisons que nous avons vues, les femmes peinent à y envisager leur avenir. Le monde industriel souffre d’une réputation peu glorieuse et le secteur a besoin de redorer son image s’il ne veut pas continuer à se priver d’une main d’oeuvre qualifiée très faiblement exploitée.
En 2017, le MEC (Manufacturiers et exportateurs du Canada) a rédigé un rapport qui a révélé qu’aucun progrès n’avait été réalisé en 30 ans pour la place des femmes dans le secteur manufacturier. Pourtant, ce même rapport, a démontré que les 640 femmes interrogées qui occupent des emplois manufacturiers, sont « très satisfaites » et qu’elles recommanderaient une carrière dans ce secteur à quelqu’un d’autre.
L’autre fait notable de cette étude est que le secteur manufacturier étant dominé par les hommes, sa culture l’est du même fait.
Le fossé des sexes existant décourage les femmes d’envisager une carrière dans le secteur manufacturier. Cela donne naissance à un cercle vicieux où les femmes évitent les emplois manufacturiers, parce qu’il n’y a pas assez de femmes dans le secteur manufacturier.
Rhonda Barnet, présidente du conseil d’administration de Manufacturiers et Exportateurs du Canada,
Les quelques hommes qui ont participé à l’enquête ont par ailleurs déclaré que selon eux, hommes et femmes sont traités équitablement dans ce secteur. « Le fait que les hommes ne perçoivent aucun problème fait partie du problème », prévient le document.
Ce constat n’a pas empêché certaines femmes de se démarquer dans le secteur :
“En tant que femme, je n’ai jamais vu de barrières, j’ai toujours vu des possibilités”
Nathalie Pilon, présidente d’ABB Canada
Plus on met la femme au défi, plus elle est déterminée à le relever. Plus elle relève des défis, meilleure elle est. Oui, parce que je suis une femme, parce qu’on a douté parfois de mes capacités, que je me suis mise à réaliser des projets, un après l’autre. Tout est faisable et tout devient possible, même dans une usine.
Amel Bouazza, DG et Vice-présidente principale de Kanzy Medipharm
Alors comment attirer plus de femmes dans le secteur manufacturier ? Pour le découvrir, consultez la deuxième partie de notre dossier : [Dossier] Les femmes dans l’industrie, état des lieux et perspectives d’avenir
[…] Pourquoi les femmes sont aussi peu représentées dans le secteur industriel ? […]